« La discutable dextérité dont j'ai fait montre pour me dépatouiller de mon existence laisse à penser que je suis tout sauf un exemple à suivre. » Le ton est donné. Le narrateur de Clamser à Tataouine est un jeune homme en guerre contre tout – la société, les institutions, les autres, lui-même. Un paria volontaire, plus doué pour la logorrhée brillante que pour la rédemption. Son projet ? Une vendetta méthodique contre toutes les strates sociales, en les infiltrant pour mieux les anéantir… au sens littéral.
Avec ce premier roman dérangeant et férocement jubilatoire, Raphaël Quenard transpose sa verve d’acteur à l’écrit. Son style est un geyser d’argot retravaillé, d’inventions verbales délirantes, de fulgurances philosophiques trash. C’est un texte sans filet, qui ose tout : l’humour noir crasse, les digressions sociologiques bancales mais fascinantes, la violence nue – verbale comme physique. Le lecteur se retrouve happé dans une psyché en fusion, où le grotesque côtoie le sublime.
Le roman est aussi une galerie de figures archétypales : le patron paternaliste, la bourgeoise hypocrite, le prof désabusé, le camarade de cellule illuminé… Tous deviennent des proies, des miroirs ou des étapes dans la croisade absurde et rageuse du narrateur. Mais derrière la provocation, Quenard livre une réflexion grinçante sur l’exclusion, la culpabilité collective et l’absurdité des discours tout faits.
Clamser à Tataouine, c’est du Céline é au mixeur punk, du Despentes version stand-up halluciné, une farce sanglante dans un français en fusion. Un objet littéraire non identifié, insolent, brillant, parfois insoutenable – et c’est justement ce qui en fait la force.