Série belge ambitieuse, Ennemi public s’attaque à des thèmes vertigineux : la rédemption, la monstruosité, le pardon — le tout dans un cadre rural chargé de tension et de silence. Inspirée de faits réels, elle plonge son spectateur dans les recoins sombres d’une société qui ne sait plus où placer ses frontières morales.
L’un de ses atouts majeurs : l’atmosphère. Les Ardennes, majestueuses et inquiétantes, forment une toile de fond presque organique, sublimée par une photographie léchée et un générique accrocheur. Le rythme lent, souvent décrié dans d’autres séries, fonctionne ici comme un choix délibéré, renforçant l’étouffement progressif. Et malgré de gros problèmes de rythme par moments, cette lenteur assumée crée une ambiance pesante, hypnotique.
Certains seconds rôles sortent du lot — notamment Lucas, bien écrit et subtilement interprété — et les tensions au sein de la fratrie sont parmi les plus justes émotionnellement. Le personnage de Guy Béranger, glaçant mais ambigu, reste une réussite majeure, entre mysticisme et monstruosité. La fin de la saison 1, notamment son dernier épisode, offre une belle montée dramatique, avec des flash-back intelligemment intégrés.
Mais ces réussites contrastent avec des failles marquées. Le jeu d’actrice de Stéphanie Blanchoud (Chloé), constamment à fleur de peau, manque cruellement de nuances : ce registre épuisant finit par amoindrir l’intensité des scènes. Les dialogues, parfois artificiels, peinent à donner de l’épaisseur à des situations déjà vues, et l’histoire principale, malgré son sujet fort, reste assez convenue. Quant à la sous-intrigue avec la sœur fantôme, censée étoffer la dimension psychologique de Chloé, elle tombe complètement à plat, ni crédible, ni utile.
La direction artistique oscille entre le soigné et l’oubliable, avec un montage parfois étrange, notamment des plans abruptement juxtaposés qui brisent la fluidité du récit. Les ellipses, mal maîtrisées, laissent souvent le spectateur dans un flou frustrant. Et certains ages, notamment les confrontations entre les personnages principaux, souffrent d’un jeu d’acteurs inégal, probablement dû à une direction artistique aux abonnés absents.
Ennemi public est donc une œuvre bancale mais courageuse. Elle séduit par son ambiance, son personnage central, et certaines idées de mise en scène. Mais elle lasse aussi, par ses maladresses d’écriture, son interprétation fluctuante et une structure narrative parfois laborieuse.
À regarder pour ses promesses… mais sans trop attendre leur pleine réalisation.