Se taire et se contenter de montrer ce que l'on veut montrer
Ce documentaire de Wiseman est assez particulier : amputé du moindre commentaire et de la moindre bande-sonore larmoyante (et on l'en remercie), il fait confiance à l'image et aux conversations entre les protagonistes pour illustrer son ressenti face aux conditions de vie des détenus d'une prison psychiatrique du Massachusetts. Évidemment, ce n'est absolument pas impartial, mais un documentaire peut-il espérer l'être? Doit-il même l'espérer?
Wiseman filme chaque individu en gros plan, en nous laissant le temps de les appréhender, de les considérer en êtres humains, pour mieux nous montrer ensuite l'horreur de l'industrialisation du traitement des détenus, avec force effets de montage. On sent que les gardiens, devant faire face à des individus qui les déent avec en prime des moyens dérisoires, ont petit à petit (ou non) déshumanisé les prisonniers pour accomplir leur tâche de façon mécanique. De même pour les médecins, visiblement blasés par leur travail, qui écoutent d'une façon pour le moins distraite les revendications et plaintes de leurs patients, les prenant par défaut pour des symptômes quand ils ne les ignorent pas totalement.
Ce plaidoyer par l'image est habile, car il nous met sur la voie en douceur, nous laissant libres d'y mettre nos propres mots et nous fait croire que nous nous insurgeons par nous-même, alors que bien sûr c'est Wiseman qui nous y a amené. On ne peut pas non plus l'acc de mentir, et c'est là son principal talent : avec des images fortes qui se suffisent à elles-mêmes, il provoque les ions et nous laisse intellectualiser. C'est sobre, c'est propre, et on ne se sent pas insulté.