Quinze jours après la fin du tournage de Blood Feast, Herschell Gordon Lewis embarque une partie de son casting et son équipe pour six jours de tournages supplémentaires afin de mettre en boîte Scum of the Earth ! dont il a écrit lui-même le scénario. Loin des délires gore de son précédent film , le réalisateur s’oriente ici vers une sorte de drame teinté d’érotisme (on reste dans du cinoche d’exploitation) et propose peut être pas un bon film , on ne va pas exagérer, mais en tout cas une bonne surprise.
Scum Of The Earth ! raconte l’histoire d’une jeune lycéenne un peu trop naïve qui se retrouve prise au piège après avoir accepté de faire quelques photos de charme pour payer ses études. Sous l’emprise d’une organisation qui fait commerce de photos érotico-porographiques et sous la menace du chantage, la jeune fille doit fournir des prestations de plus en plus osées.
Je dois bien reconnaître qu'après plusieurs film d'Herschell Gordon Lewis en quelques jours mon niveau d'exigence cinématographique se trouve sérieusement revu à la baisse et sans être un grand filmScum Of The Earth ! a au moins le mérite de raconter quelque chose , d’avoir un regard assez critique et pertinent sur son sujet, quelques idées de mise en scène et de proposer des comédiens et comédiennes capables d’aligner trois lignes de dialogue. Sorti en 1963 le film reste assez tristement contemporain dans les mécaniques d’exploitation du corps féminin que Herschell Gordon Lewis décrit et critique avec une certaine acuité. Alors bien sûr il restera ce gros paradoxe que le réalisateur dénonce l’exploitation érotique tout en faisant aussi son film pour exposer épisodiquement de la nudité et attirer le public, mais j’ose espérer que Herschell Gordon Lewis n’usait pas des mêmes méthodes que celles décrites dans le film. La machine bien huilée décrite par le film est sans doute toujours et hélas d’actualité et vraisemblablement démultiplié par notre époque un peu folle (numérique, réseaux sociaux, hyper capitalisme). En tout cas, Scum Of The Earth ! décrit de façon très réaliste comment l'appât de l’argent facile, la confiance naïve, l’emprise de personnes manipulatrices peuvent vite conduire par le chantage une innocente victime à l’acceptation de pratiques pas vraiment consenties. Mise en confiance par une ancienne modèle devenue recruteuse car trop vieille pour rester sous l’objectif, flattée par un photographe beau parleur, appâtée par le gain facile que d’autres filles pourraient prendre à sa place, puis finalement piégée par une photo de nue volée que les indélicats organisateurs de ce petit trafic d’images cochonnes menacent d’envoyer à son père, la pauvre Kim va se retrouver entrainer aux limites de la pornographie. Le film bénéficie d’une écriture assez soignée et l’aspect descente aux enfers pour le personnage est parfaitement crédible et mesuré, comme un implacable piège se refermant irrémédiablement sur elle. La qualité de l’écriture, j’allais presque dire la finesse, se retrouve dans la description de certains personnages bien plus complexes que l’histoire ne pouvait le laisser entrevoir au début. C’est le cas surtout du photographe Harmon Johnson assez conscient du sale boulot qu’il exécute pourtant avec une certaine application. Il se prendra même d’une certaine affection pour le personnage de Kim à mesure qu’il mesurera le dégoût de lui-même.
Niveau casting c’est William Kervin (Blood Feast - 2000 Maniacs) qui interprète ce photographe blasé par la sale besogne mais au final plutôt sympathique. Dans le rôle de Kim la naïve brunette et fille de bonne famille on retrouve Louise Downe qui n’est autre que la scénariste Blood Feast , She-Devils on Wheels ou Just For The Hell Of It et qui s’avère donc un poil meilleure comédienne que scénariste. L’autre acteur qui sort du lot est Lawrence J Aberwood dans le rôle de l’instigateur du trafic, une sorte de gros patron adipeux toujours collé derrière son bureau et sans aucune valeur morale. La scène durant laquelle il hurle sur la pauvre Kim pour lui faire comprendre qu’elle ne peut plus reculer et doit se soumettre à des photos encore et toujours plus osées est franchement ignoble et donc réussi surtout que Herschell Gordon Lewis montre l’acteur en très gros plan, la bave aux lèvres, la gueule de charognard ouverte et la sueur dégoulinante de son front comme un gros porc. On retrouve aussi dans le film Mal Arnold qui incarnait le fameux tueur de Blood Feast et qui ici joue le salopard et homme de main de l’organisation, une performance dans laquelle l’acteur et plutôt crédible jusqu’à une ligne de dialogue durant laquelle il nous apprends qu’il est censé être mineur alors qu’il a plus de trente ans lors du tournage, forcément c’est assez risible
Alors attention Scum Of The Earth ! n’est pas un très bon film à l’image de son final pas totalement convaincant et de quelques errances dans la direction d’acteurs, mais le film dénonce les mécaniques d'exploitation des femmes par l’industrie balbutiante de la pornographie avec une certaine droiture et sincérité suffisamment en tout cas pour en faire un petit film avec de grandes vertus.