Avec Pentagon Papers, Steven Spielberg remonte le temps et s'arrête en 1971, alors que la guerre du Vietnam n'en finit plus de s'enliser et que la contestation gronde aux États-Unis. Au milieu d'un climat de plus en plus délétère, une bombe est lâchée: l'existence d'un rapport top-secret sur le conflit qui ébranlerait la Maison-Blanche. Au sein de la rédaction du Washington Post, l'opportunité qui leur est donnée pourrait tout aussi bien se transformer en piège aux conséquences irréversibles. Respecter le secret d'État ou informer le peuple au risque de voir le journal réduit au silence pour de bon?
Si Steven Spielberg regarde dans le rétro, c'est pour mieux observer le présent. À l'heure où la presse est régulièrement vilipendée, il est troublant de constater les similitudes avec une période où son rôle primordial était déjà menacé. En quarante ans, rien n'aurait changé? On pourrait le craindre. Néanmoins, Spielberg n'honore pas les courageux journalistes du Washington Post pour célébrer un temps révolu mais bien pour que la flamme qui les animait jadis continue de brûler en ceux qui se font intimider par leur chef-d'État aujourd'hui. Plus que jamais, la presse doit être libre pour maintenir un équilibre déjà rendu incertain par les transformations économiques qu'engendre le numérique. En creux de ce combat qui oppose la presse à l'appareil d'État, le réalisateur filme également le combat d'une femme pour s'affirmer au sein d'une société dont les plus hautes sphères restent principalement occupées par des hommes.
Fidèle à son credo, Spielberg iconise l'individu pour mieux le rendre universel. Et aujourd'hui, c'est Katherine "Kay" Graham, la "Femme debout" et patronne du Washington Post qui fait le choix de la justice et de la justesse. Un symbole déjà fort hier (le Washington Post a joué un rôle dans la destitution du président Nixon) et il l'est d'autant plus aujourd'hui. Une fois encore, Meryl Streep transcende le rôle avec sobriété et émotion qui illuminent tout le film. Tom Hanks fait une fois de plus des merveilles en Ben Bradlee, rédacteur en chef direct et ironique. Et il faut saluer la pléthore de seconds-rôles en titane que Pentagon Papers déroule en 1h55 bien serrées (du superbe Bob Odenkirk à l'excellente Sarah Paulson, en ant par Matthew Rhys ou Carrie Coon,...). Et puis comment ne pas remarquer la maestria une fois encore fabuleuse d'un Steven Spielberg, dont la réalisation allie mouvement et concision avec une prodigieuse harmonie. Signalons au age la bande originale inspirée de John Williams. Dans son final, Pentagon Papers fait le lien avec le scandale du Watergate. Et évidemment Les Hommes du Président, modèle du film d'investigation réalisé par Alan J Pakula en 1976, auquel Spielberg rend un (magnifique) hommage dans son tout dernier plan (qu'on croirait tout droit sorti du film de Pakula).