La véritable histoire de Mickey 17

- Alors t’en penses quoi de mon scénario ? Il est pas mal hein ?

- J’ai lu pire en effet, mais pour être honnête, je ne comprends pas vraiment où tu veux en venir…

- Mais c’est pourtant clair ! C’est un high concept, mais là où d’autres se contenteraient de faire un exercice de style un peu creux, j’ai réussi à l’emmener beaucoup plus loin avec mon disc…

- Oui, le discours, super, mais parlons-en du high concept justement. J’ai du mal à avaler que ton personnage principal s’engage dans un boulot qui consiste à mourir de 1001 façons différentes toutes plus atroces les unes que les autres.

- Alors là, tu as dû sauter des pages, parce que je l’ai bien justifié ça : il est poursuivi par la mafia !

- Donc ton justificatif c’est le pitch de Certains l’aiment chaud, le truc de scénariste le plus éculé après le MacGuffin…

- Et Billy Wilder c’est un manche, bravo l’élitisme…

- Déjà le film de Billy Wilder a plus de 60 ans, donc on peut espérer un peu plus en 2025, effectivement. Et par ailleurs, se déguiser en femme le temps d’un voyage est beaucoup plus crédible que de s’engager à se faire torturer pour l’éternité pour éviter de se faire torturer une fois.

- Oui mais mon héros est idiot !

- …

- Bon d’accord tu marques un point, je ne me suis pas foulé sur ce coup.

- Merci. Ensuite, tu te rends compte que ton introduction est in-ter-mi-na-bl-e ! Et e encore que tu justifies l’intrigue par le cliché de l’idiot poursuivi par la mafia… Mais la voix off pour expliquer un concept ultra visuel ?? Tu avais vraiment besoin que ton héros explique qu’il se fait cloner pour qu’on comprenne qu’il se fait cloner ?

- Je voulais juste être sûr que mon grand-père qui n’est pas allé au cinéma depuis Le jour où la Terre s’arrêta comprenne bien ce qu’il se e. C’est un crime ?

- Il risque surtout de s’endormir…

- Si je prends mon temps, c’est pour exploiter mon high concept à fond ! Mon héros participe à plein d’expérience dangereuses, meurt de plein de façons différentes, ça donne au spectateur ce qu’il est venu voir.

- Oui, de ce point de vue c’est assez cool. J’aime beaucoup la séquence où tu dis qu’il meurt des radiations solaires, ça peut donner super bien à l’écran de voir son visage se décomposer…

- Alors oui, mais non, mon film doit rester grand public, donc ce sera hors champs. Je vais juste faire un plan subtil sur un pustule pour bien montrer ce qu’il subit.

- Quoi ? Et la séquence où il teste le vaccin ?

- Il crachera du sang.

- Et quand on le jette dans la lave en fusion ?

- Euh, j’ai la phobie des trucs chauds, alors je pensais juste le montrer tomber dans un trou.

- …

- Je n’aime pas quand tu me regardes comme ça, tu me fais peur.

- Si je comprends bien, tu as prévu de filmer un des points forts du high concept de façon « subtile » avec un peu de sang et de pustule ?? Mais tu te fous de moi ? Parce que d’après ce que j’ai lu, c’est pas l’autre point fort du concept qui t’intéresse non plus !

- De quoi tu parles ?

- Mais du fait que ton film s’appelle Mickey 17, qu’il parle de clonage, et que tout ce à quoi on a droit c’est juste deux p***** de Mickey en simultané !

- 17 ça veut pas dire qu’il y en a 17, c’est juste que le héros c’est le 17ème…

- J’avais compris ! Mais dans ce cas-là à quoi ça sert ? Tu es une intro interminable en voix off à m’expliquer un concept pourtant simple, que tu veux filmer en hors-champs par-dessus tout, tout ça pour… arriver au scénario de Bad Boys ???

- Bad Boys ? De Michael Bay ?

- Oui Bad Boys de Michael Bay. Tout ce que tu fais avec tes deux Mickey, c’est simplement créer un nouveau duo de buddy movie, avec le couillon et le macho. Soit dit en ant, la façon dont tu justifies qu’ils ont des personnalités différentes avec un flash-back aux trois quarts du film pour expliquer qu’en fait tous les Mickey étaient un peu différents, alors que Mickey 17 a clairement la même personnalité que Mickey 1… Je crois que la fainéantise a trouvé son maître.

- Tu es dur…

- Je te l’accorde, mais mince… Inventer toute une histoire de clonage pour finir avec un simple buddy movie. Tu aurais pu en faire des jumeaux, ça nous aurait économisé au moins 20 pages de scénario.

- J’aime bien l’idée du jumeau maléf… Tu as ce regard à nouveau.

- …

- Bon mais le reste c’est bon quand même.

- Oui, enfin, c’est juste Okja en moins bien.

- Alors là non, je ne peux pas te laisser dire ça !!!

- C’est quoi la différence ?

- Dans Okja ils veulent transformer les animaux en saucisson. Là ils veulent en faire de la sauce.

- …

- Ton regard…

- Oui pardon. Oublions cette partie, on va mettre ça sur le compte de la politique de l’auteur. En revanche, il y a un truc qu’il va falloir changer, c’est le nom de ton méchant.

- Quoi, tu n’aimes pas Elton Grump ?

- Je crois que tout le monde a compris à qui tu faisais référence, est-ce qu’il faut vraiment surligner à ce point ?

- C’est une satire, il faut que ce soit excessif, limite loufoque !

- Comme quand tu filmes les morts en hors champs, où que pour montrer que le méchant et sa femme sont foufous tu les fais juste chanter une prière ?

- Il y a aussi l’obsession de l’épouse pour les sauces, ça montre que...

- Quand on fait une satire, l’excessif c’est pas à la carte, il faut y aller à fond. Prends un film comme Brazil. Ce n’est pas subtil, mais tu en prends tellement pendant tout le film qu’à la fin tu es épuisé, oppressé ! L'expérience est viscérale !

- Sinon j’avais aussi pensé à appeler le méchant Marshal.

- Mieux. Mais il n’y a vraiment pas moyen de limiter les imitations de Trump ? On en bouffe tous les jours, et c’est pas comme si ta critique apportait du neuf.

- En vrai je suis un peu d’accord avec toi, mais j’ai promis à Mark Ruffalo. Faut le comprendre, le Saturday Night Live ne fait jamais appel à lui pour son imitation de Trump, alors qu’il en est super fier.

- Et elle est bien ?

- … Franchement, il est super sympa Mark Ruffalo.

- Ok j’ai compris. Bon en vrai, si tu es trop avancé dans la production pour revoir le scénario, je pense que le seul moyen de s’en sortir sans trop de dégât, c’est de choisir le bon acteur pour jouer Mickey, vu qu’il est de quasiment tous les plans. Tu as engagé qui ?

- Alors là on est totalement d’accord, c’est pourquoi j’ai pris le GOAT : Jared Leto ! Il est en ce moment en maillot de bain sur le site de Tchernobyl pour prép… AIE !! Mais pourquoi tu m’as giflé ?

- Tu le rappelles et tu le vires immédiatement. Dis-lui qu’il sera dans la Snyder Cut de Mickey 17.

- Mais je prends qui alors ?

- Robert Pattinson, le gars a du talent et il sera capable de jouer deux personnages tout en apportant ce qu’il faut de personnalité. Il ne choisit pas toujours les meilleurs films, mais il y est toujours impeccable.

Et c’est ainsi que fut produit un film OSEF ascendant paresseux, sauvé de justesse par la prestation sans faute de Robert Pattinson.