Soleil noir
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le 29 juin 2021
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Marginal et séduisant pour ses œuvres aux durées cyclopéennes, Lav Diaz réalise avec « Magellan » une de ses performances parmi les plus douce : seulement 2h45 aux côtés de l’aventurier au service d’un biopic ténébreux et romanesque aux accents conradiens. Le film nous prend à revers immédiatement, s’ouvrant sur le visage terrifié d’une indigène courant à son village, alertant sur la présence d’un homme blanc dans les parages, parfait prétexte pour donner l’occasion à la caméra de visiter les lieux en les parcourant d’un rythme lent, prenant le temps d’installer le climat et de nous laisser imaginer la vie que mènent ces gens. C’est dit, le film utilisera largement la figure de Magellan comme celle d’un colonisateur, bien que Lav Diaz se montre bien plus subtile qu’un simple exercice de dénonciation coloniale.
Tout d’abord, Magellan, est superbement incarné par Gael García Bernal, le premier acteur reconnu internationalement à osé poser le pied chez Lav Diaz. Son personnage est radin, et la caméra lui rend bien. Il est souvent placé au fond de l’image, isolé, surcadré, nous poussant à le voir comme un constant étranger déployant une inquiétante étrangeté. Mortifère, le film va jusqu’à intégrer une imagerie quasiment fantastique où la femme de Magellan lui apparait en rêve, donnant lieu à un lot de séquences élégiaques nous faisant sentir le poids des charniers que chaque expédition de l’explorateur laisse derrière elle. On pense beaucoup à Albert Serra, coproducteur du film et auquel Lav Diaz empreinte le chef opérateur Arthur Tort (qui officie au générique parmi quatre autres chef op’). Revient en mémoire « Pacifiction », où comme Magimel à Tahiti, le Magellan de Lav Diaz laisse sa stature s’effriter dans des mondes auquel il n’a rien à voir, en faisant une figure errante, le filmant toujours à hauteur d’homme, y compris lorsqu’il commet des atrocités. « Magellan » n’est jamais autant épique que lorsqu’il montre le temps interminable d’un voyage du XIVème siècle, que lorsqu’il restitue le long hissage d’une voile ou d’une bataille navale minimaliste capturée dans un délicat plan fixe en contre-jour. Avec cette stratégie, le film capte les profondeurs en filmant la surface, s’aidant d’un montage malin brouillant nos perceptions dans un voyage qui s’enlise. C’est là un film travaillant habilement la reconstitution, où les acteurs portent des objets lourds, courent, bousculent, souvent dans des gestes malhabiles leur conférant encore davantage de caractère. Aussi, il y a les objets : les épées, les vases, les croix, bénéficiant tous d’une attention particulière, au même titre que les costumes et les corps nus des indigènes. « Magellan » ne se prive également pas de montrer la violence de la colonisation catholique empilant les cadavres, les décapitations, les viols. Dans sa façon de regarder d’un œil froid, voire presque documentaire, Lav Diaz fait que chaque geste, chaque costume encrassé, chaque épée rouillée par le sang raconte une histoire qui souvent fait froid dans le dos. Vertige de la lenteur, amertume de l’air salé, et récit romanesque s’employant à donner une place primordiale à chaque silhouette qui le traverse, sauf celle de Magellan, imible réceptacle des tourments et de la paranoïa des européens, et dont l’incarnation symbolise plus la déchéance de l’exil que le fantasme d’une libération.
Créée
le 26 mai 2025
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