Urbaine et sombre, presque carcérale lorsqu'elle décrit la banque, la scène d'ouverture est très prometteuse. Elle préfigure un thriller de braquage citadin, rappelle le meilleur de Mann (Michael), ou le cinéma de Cameron lorsqu'il se fait observateur obsessionnel des mécaniques, des rouages . Ici ce sont des portes blindées qui de referment lourdement dans des bruits sourds., d'imposantes serrures métalliques qui claquent afin permettent l'accès aux coffres.
Bien sûr, Morán, l'homme qui a accès au saint Graal, la salle des coffres, ressemble plus à un banquier qu'à Bob de Niro, oh, pas un Mozart de la finance au regard de hyène, mais un banquier ordinaire au regard rassurant. En homme ordinaire, Morán devient rapidement un braqueur sans éclat, dérobant 650 00 dollars de quoi s'assurer un petite rente à vie et offrir la même somme à son collègue Román, futur complice et double "annagramique". La plan étudié avec minutie: se faire arrêter, avouer le larcin, er trois ans et demi à l'ombre (remise de peine comprise), pendant que Román gardera le magot.
Portant, ée la scène d'ouverture, l'on comprend rapidement que la première partie du film déjà, sera bien plus intimiste qu'un classique film de braquage. Le propos est plus intérieur, empreint des doutes de Román que l'on découvre perturbé, proche de l'effondrement, sur le point de rompre son lien avec son collègue de fortune. Mais de rupture il ne sera pas question ici, les liens entre les deux hommes vont au contraire se renforcer de manière inattendue, brisant la temporalité, consolidant l'idée de double, de l'effet miroir, une perte de repère initiée par la rencontre des deux hommes avec une nature magique (celle de la province de Cordoba argentin) mais également avec Norma, beauté bohème hypnotisante (prénom anagramme de Moran femme de Romàn).
La seconde partie de Los Delicuentes est plus poétique, évanescente, hymne à l'oisiveté, au gigantisme d'une nature sauvage, par opposition à la ville, cadrée de manière moins ample, ces rues oppressantes, terrain hostile pour Norma ivre de liberté. Le changement de cadre n'est pas total donc, le changement de ton non plus, ce qui est un peu déroutant et la seconde partie s'égare un peu parfois, même si le récit n'ennuie jamais du haut ou plutôt du long de ses trois heures imposantes. Au contraire nous sommes en présence d'une œuvre originale, élégante réflexion presque anarchiste sur la place de l'homme (libre?) dans nos sociétés capitalistes et qui restera probablement comme un belle découverte de cette année 2024.