Lilo & Stitch
5.8
Lilo & Stitch

Film de Dean Fleischer-Camp (2025)

À la lisière de la réussite

On pourrait croire que Lilo & Stitch, dans sa nouvelle mue, se contente d’actualiser un classique, de transposer le dessin dans la chair, le mouvement stylisé dans la pesanteur du réel. Mais il faut être plus attentif, plus méfiant aussi : ce que Disney nomme adaptation n’est jamais une relecture, c’est une translation, un glissement de surface. On remplace l’animation par de la matière, du muscle, de la peau, des paysages numérisés. Rien ne se repense : tout se rehausse d’un vernis mimétique. Et ce age du trait à la texture, loin d’ouvrir un nouvel imaginaire, agit comme une saturation.

L’image, lestée par le réalisme, perd cette légèreté propre à l’animation. Ce qui était gracile devient frontal. Ce qui était schématique devient surligné. Et ce age n’est pas neutre. Il révèle une mutation dans notre rapport à l’image, à l’enfance, à la fiction elle-même. On ne croit plus au pouvoir de l’abstraction. On veut de la chair, des textures, du grain de peau. Mais cette chair est vide. Ce réalisme est sans réalité.

Et c’est là que le malaise affleure. Non pas dans le pathos lui-même (ça Disney le cultive depuis des décennies) mais dans sa formulation contemporaine, hypertrophiée, comme si l’enfance ne pouvait plus être représentée qu’à travers une dramaturgie saturée. La moindre larme doit justifier sa présence. L’émotion devient une grammaire, une obligation contractuelle. Et pourtant, au détour d’un regard, d’une scène de rien, ça marche !

Stitch, lui, n’est plus tout à fait un personnage : il est devenu une icône hybride, une créature de synthèse qui regarde autant vers Gollum que vers E.T., un amas de textures numériques qui parvient pourtant à faire naître l'émotion. Il est l’autre, le rejeté, mais aussi l’enfant qui hurle en nous. Lilo le reconnaît parce qu’elle est comme lui. Ensemble, ils rejouent un vieux mythe : celui de la rencontre entre l’humain et l’inclassable, entre deux personnages qui ont autant besoin de l'un que de l'autre.

Ce que le film réussit, surtout, c’est à ne pas trahir la force de l’"ohana". Loin de l’appropriation touristique ou des décors de carte postale, le film effleure, parfois maladroitement, souvent sincèrement, la complexité du territoire. Le monstre n’est pas celui qu’on croit. Stitch, dans sa fureur, incarne moins la sauvagerie que la peur qu’elle suscite. Il devient le symptôme d’un regard blanc, civilisateur, qui cherche à domestiquer ce qu’il lui est extérieur. Mais ce que Lilo lui oppose, ce n’est pas la haine : c’est la chaleur, le lien, l’accueil. La politique de la main tendue.

Et c’est peut-être ici que réside la réussite du film. Non pas dans sa mise en scène, souvent lisse, parfois télévisuelle, ni dans sa direction artistique. Mais dans cette vibration au fond de la trame : celle de l’amour comme résistance, celle d’un refus de l’abandon. Il y a, dans le regard que porte la caméra sur Lilo, une pudeur. Elle n’est jamais héroïne, encore moins modèle. Elle est une enfant en deuil, une enfant en rage, une enfant qui attend qu’on la considère.

Alors oui, tout n’est pas réussi. Certaines scènes pèsent. D’autres étirent le matériau original jusqu’à le déformer. Il y a des lenteurs inutiles, des dialogues explicatifs, des effets qui cherchent l’émotion. Mais malgré ces maladresses, malgré ce trop-plein de surlignage, le film parvient à convoquer une vérité qui nous échappe souvent dans les adaptations.

En cela, Lilo & Stitch version 2025 n’est pas un simple remake. C’est un film du souvenir, un film qui se souvient de l'animation qu’il était. Et ces personnages, désormais, ont un corps. Un corps de pixels et de chair.

6
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il y a 3 jours

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cadreum

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