En décembre 1989 aussitôt après la chute, la fuite et l'exécution de Ceaucescu, le dictateur qui avait placé son peuple sous la terreur et dans une extrême pauvreté, le sort des roumains ne s'améliorent guère.
La révolution a débuté et de terribles affrontements éclatent à Sibiu. Dans un chaos indescriptible où l'on ne sait qui tire sur qui et pourquoi, environ 500 personnes prétendument fidèles à Ceaucescu sont arrêtées et rassemblées dans le bassin vide d'une piscine dans des conditions d'hygiène, de confort et de sécurité déplorables. La "plaisanterie" durera plusieurs semaines le temps que chaque personne soit interrogée individuellement et... signe des aveux. La moindre personne (manifestement que des hommes) ayant eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment est soupçonnée de terrorisme et arrêtée. Le nouveau régime placé sous l'autorité de l'armée ne semble pas plus humain et brillant que le précédent. L'injustice et la médiocrité sont toujours de mise.
Le réalisateur avait 18 ans en 1989 et garde le souvenir d’une psychose généralisée pour sa génération. Face à cette nouvelle terreur chacun pouvait être déclaré terroriste dans le seul but d'asseoir la légitimité et l'autorité du nouveau régime. Il détaille en chiffres ces quelques semaines dans la petite ville de Sibiu : 2 000 000 balles tirées, 500 tirs de canon, 650 missiles tirés depuis des hélicoptères, 99 personnes décédées, 272 personnes blessées et 522 personnes détenues illégalement. Peut-on concevoir et imaginer un pays où le gouvernement fait tirer sur ses propres concitoyens ? Cela ne s'est pas é à l'autre bout du monde.
Ce film pourrait être la suite exacte de cet autre film roumain récent tout aussi excellent et ionnant puisqu'il commence précisément là où se terminait Ce nouvel an qui n'est jamais arrivé. La première partie nous montre une ville soumise à un foutoir inouï où plus personne ne sait comment se comporter. Notamment la police, la securitate (police roumaine secrète de Ceaucescu que l'on peut assimiler à la stasi est allemande), l'armée mais aussi le citoyen ordinaire. Dans une confusion rare le réalisateur nous plonge dans le chaos. Tout le monde court, s'agite, tire, se débarrasse de son arme... c'est immersif et perturbant car on ne sait pas vraiment dans quel camp se situer. C'est également palpitant.
La seconde partie tout aussi ionnante est beaucoup plus calme. Nous accompagnons l'incarcération des détenus dans ce lieu surprenant : le bassin vide d'une piscine. Après plusieurs jours de terreur, de doute et d'incompréhension tout le monde se calme. Même si les fusils restent braqués sur les détenus, ils obtiennent une télévision, le droit de recevoir des colis de l'extérieur mais la tension reste palpable et bien compréhensible. Personne ne sait quel sera son sort. Le réalisateur risque même une scène plutôt burlesque et pourtant angoissante, tellement absurde qu'elle doit être réelle : un soldat laisse malencontreusement tomber son fusil dans la piscine.
Le final en musique démontre qu'un autre "tube" classique que le Boléro de Ravel peut être utilisé pour faire monter l'émotion : L'hymne à la liberté extrait du Nabucco de Verdi.