Ghostlight
7.4
Ghostlight

Film de Alex Thompson (2024)

Shakespeare 1 - 0 Psychologue

Le film s'ouvre sur des images de travaux de voierie avec un marteau-piqueur et des véhicules de chantiers, le tout accompagné par une musique de fond douce et épurée. C'est ça Ghostlight : de la poésie brute. Les relations au sein de la famille sont sur un fil, donnant souvent l'impression de pouvoir aussi bien se finir par une accolade larmoyante que par une porte claquée. Mais cette tension cohabite toujours avec une tendresse plus ou moins dissimulée. C'est vraiment une excellente surprise, j'ai l'impression d'être é dans une machine à laver, et c'était super. L'intrigue se construit bien, plusieurs actions s'entremêlent avec pour nœud ce non-dit qui pèse sur la famille qui se révèle progressivement au spectateur. Chacun essaye de s'en sortir comme il peut, à part la mère qui se voit contrainte de maintenir à bout de bras les maigres liens familiaux qui continuent d'exister. L'histoire se centre sur le père, qui va trouver dans le théâtre une place pour s'ouvrir, et mieux comprendre et exprimer ses émotions à travers le jeu et la rencontre de la troupe.

Évidemment, le théâtre occupe une place prédominante dans le film, et on sent l'amour du réalisateur et de la réalisatrice pour le théâtre sans strasses ni paillettes ; un théâtre qui met en scène des personnages grandioses et tragiques interprétés par des gens du quotidien merveilleusement ordinaires. Ce côté "théâtre amateur" a beau être assumé, la mise en scène n'est pas négligée, avec une jolie maîtrise des lumières ; j'ai beaucoup aimé le côté réconfortant et rassurant apporté par l'éclairage intimiste au moment des répétitions. C'est un vrai petit cocon où toute le monde se libère. Bref, tout est crédible et je me suis même surpris à partager les fameux frissons qui précèdent l'entrée en scène au moment de la représentation. Les costumes et les accessoires sont juste assez convaincants pour ne pas être ridicules, et les comédiens, bien qu'amateurs, sont touchants jusque dans leur maladresse. Cette troupe prend petit à petit une importance grandissante, devenant un refuge pour Dan, tout comme elle semble être un refuge pour bon nombre de ceux qui l'ont ret avant lui. Cela dit, le film n'en fait pas une fin en soi ; des répétitions à la représentation finale, jamais Dan ne pourra réellement dissocier les évènements de sa vie avec le rôle qu'il interprète ou les exercices qu'il réalise. J'ai bien aimé que le théâtre ne devienne pas soudainement un déclic métamorphosant ou un exutoire détaché de sa réalité ; le film ne tombe pas dans une romantisation de l'art, au contraire il le rend beau parce que très humain.

Cette réalité que Dan pourrait vouloir essayer de fuir, je ne veux pas en dire trop car je trouve que le film arrive, avec justesse, à maintenir une interrogation sur cet élément sans en faire non plus l'objet d'un suspens dingue. C'est là, il y a une part obscure dans ce récit, on ne souhaite pas nous mettre tout de suite dans la confidence, et c'est ok. Ça a bien marché sur moi, je me suis laissé guidé sans chercher à deviner, et j'ai pris toute la charge émotionnelle au moment de la révélation. D'ailleurs, émotionnellement, les sous-titres étaient flous dans le dernier quart d'heure. C'est un film construit sur un double point d'orgue, avec d'un côté le rendez-vous durant lequel on sait qu'on va en apprendre beaucoup plus sur cet évènement tabou, et de l'autre la représentation finale de la pièce. Donc, rien de surprenant, les dernières minutes m'ont essoré. Mais qu'est-ce que c'était chouette. Et vraiment, j'ai hâte de voir d'autres films avec Katherine Kupferer (la fille), que j'ai trouvée incroyable.


8
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le 19 avr. 2025

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Fernand Malbrute

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