Après plusieurs performances décevantes au box-office, l'année 2024 a sans doute été celle des remises en question pour Marvel Studios qui, fait rare, ne s'est contenté que d'une seule production sortie en salles, "Deadpool & Wolverine", et quelques annonces sur l'avenir de son univers.
La stratégie a marché, l'arrivée de Deadpool et du plus célèbre des mutants au sein du MCU a été un succès mondial sans appel mais il n'est bien sûr qu'un mirage face à une multi-franchise s'étant quelque peu perdue dans les méandres de son multivers et ayant bien du mal à autant ionner les foules qu'à l'époque des Pierres de l'infinité (sans compter l'obligation de suivre de nombreuses séries en parallèle sur Disney+ qui a probablement perdu une partie du public).
Ainsi, en revenant à un rythme "normal" de sorties annuelles (trois prévues avec ce "Captain America: Brave New World", "Les 4 Fantastiques" et "Thunderbolts*"), 2025 est peut-être l'année de tous les risques pour le studio, dans l'obligation de démontrer qu'il peut renouer avec ses succès d'antan tout en prouvant qu'il en a encore scénaristiquement sous la pédale pour faire saliver les spectateurs en vue de son prochain diptyque "Avengers" annoncé d'ores et déjà comme dantesque (sorti en 2026 et 2027).
Et ce n'est rien de moins que Captain America qui a la charge d'être le premier à être envoyé au front sur grand écran pour contrer les doutes avec la puissance de son bouclier... et de ses ailes. Car, oui, ce n'est évidemment plus Steve Rogers que l'on découvre dans le costume du super-héros patriotique mais bien Sam Wilson alias le Faucon, nommé par son prédécesseur mais qui a vraiment accepté ce glorieux statut lors de la série "The Falcon & The Winter Soldier" (on vous recommande le visionnage de la série avant ce film, des seconds rôles y sont étroitement liés). Le age de flambeau étant définitivement fait, il convenait de lui octroyer aujourd'hui un film rien qu'à lui (enfin, partagé avec certaines composantes de l'univers "Hulk"), pour que le personnage assume définitivement son nouveau rôle dans le reflet d'une Amérique contemporaine divisée comme jamais (ce qui n'est pas une mince affaire, la dernière partie de la série "The Falcon..." posait certaines pistes intéressantes en la matière, notamment via la figure d'Isaiah, ancien super-soldat afro-américain devenu cobaye de son propre gouvernement) et, plus largement, découvrir si Anthony Mackie avait l'envergure de déployer ses propres ailes pour s'imposer au poste de successeur du First Avenger dans les esprits.
Dans la continuité de la série où il partageait l'affiche avec Bucky Barnes et surtout le bien plus signifiant "Captain America 2: Le Soldat d'Hiver", "Brave New World" va s'inscrire dans la catégorie thriller paranoïaque du MCU, où Sam Wilson et ses petits copains vont se retrouver au coeur d'un complot tentant de malmener le nouveau Président Thaddeus Ross (Harrison Ford en lieu et place du défunt William Hurt et de sa moustache) et sa volonté nouvelle d'unir l'humanité autour de la source de bénéfices que pourrait lui apporter le fameux corps du Céleste figé en plein milieu de l'océan depuis la fin de "Les Éternels" (ouf, on reparle enfin de ce "petit" fait planétaire et du film de Chloé Zhao dans le MCU !).
Vilaines conspirations, attentats, manipulations & grand méchant marionnettiste agissant dans l'ombre sont donc les principaux mécanismes espérant faire rebattre les cœurs des fans via le genre d'intrigue qui a tant sied à "Captain America 2" mais qui, ici, semble n'en être qu'une resucée assez fade, n'engendrant aucune grand fait d'armes notable tant tout ce qui y est orchestré a déjà été dévoilé grandement en amont (par une promotion hélas trop peu discrète sur certains éléments) ou se révèle simplement prévisible dans son enchaînement de péripéties juste bon à privilégier quelques phases d'action divertissantes mais toujours assez mineures dans l'ensemble.
À l'instar d'un Giancarlo Esposito dont on se demande encore pourquoi on a fait appel à lui dans un rôle aussi maigre ou de la petite nouvelle Ruth Bat-Seraph qui n'est au final qu'un produit dérivé d'autres héroïnes du MCU (les polémiques l'auront rendue parfaitement oubliable), "Captain America: Brave New World" paraît trop souvent gesticuler dans le vide, éludant rapidement les angles les plus pertinents de la série derrière certains de ses protagonistes, en rabâchant encore les doutes de Wilson sur le symbole qu'il doit être, créant un Scooby-gang autour de son super-héros qui, s'il n'a rien de désagréable en soi, ressemble à tant d'autres croisés avant lui... Et, enfin, ne faisant guère plus briller qu'auparavant son nouveau Captain America (ainsi que son acteur, sympathique au demeurant mais sans plus), un super-héros fonctionnel comme un autre qui devra clairement attendre une plausible place de vrai leader au sein des Avengers pour espérer devenir un minimum incontournable (on tente d'ailleurs de nous appâter sérieusement avec ce fait).
Cependant, si "Captain American: Brave New World" en reste au minimum syndical sans être déshonorant (on a vu bien dans le pire dans le MCU ces dernières années, il faut bien le reconnaître), il est tout même tiré vers le haut par l'étonnant traitement tragique du personnage de Thaddeus Ross. Le général responsable de la division élu par miracle Président US de l'unité est en effet ici un homme littéralement dévoré par son é: quoiqu'il puisse faire pour éventuellement se racheter se referme sur lui comme un piège implacable, le rendant à jamais captif d'une image qu'il voudrait fuir... Jusqu'à en devenir la pire et destructrice version par l'intermédiaire de Red Hulk dans un final qui, malgré la courte durée de l'affrontement, tient lui la promesse de son aspect spectaculaire.
Bien entendu porté par l'aura de son Harrison Ford d'interprète (Ross aura bien été servi de ce côté), ce personnage ambigu, caractériel et agissant la plupart du temps avec une une peur qu'il se refuse à reconnaître, sera celui qui aura bénéficié de la plus belle porte de sortie avec l'histoire de ce nouveau film "Captain America", probablement bien conscient que c'est là sa meilleure idée et plus grande qualité. Et, par ricochet, le miroir le mieux élaboré à son super-héros cherchant lui aussi à s'émanciper de l'ombre imposante de Steve Rogers, sans que cela puisse être pour l'instant vraiment possible (en tout cas, dans notre réalité).
Pour le reste, ce trente-cinquième film n'est clairement pas celui qui sera le plus indispensable afin de remettre le MCU sur de bons rails cette année, tout juste nous rappelle-t-il qu'il est encore capable de petits miracles avec son approche bien pensée de Thaddeus Ross. On attend désormais "Les Quatre Fantastiques" avec beaucoup plus d'impatience en vue d'un peu de renouveau au sein de cet univers.