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Une ballerine n’est pas censée traîner des cadavres dans la pénombre d’un théâtre en ruine, et pourtant. Eve avance dans le décor comme dans une mémoire contusionnée, cherchant la douleur non pas pour la fuir, mais pour la réanimer. Len Wiseman, sous couvert d’univers étendu, s’empare de la mythologie John Wick comme d’un costume trop grand qu’il s’empresse de salir de fond de teint et d’hémoglobine synthétique. Car si Ballerina emprunte au monde du tueur en costume ses dorures et ses rites, il n’en hérite ni de la précision chorégraphique ni de l’élégance funèbre. Ce n’est pas un coup de scalpel, c’est un tir à blanc.
Ana de Armas joue juste, bien sûr, avec ce mélange d’opacité et de feu intérieur qui faisait déjà de Knives Out une vitrine. Mais son personnage, Eve Macarro, n’est qu’un pantin désarticulé d’émotion, traqué par l’ombre de son propre scénario. La vengeance, ici, n’a rien de sacré. Elle n’est qu’un prétexte, une mécanique de relance, une spirale de scènes qui se croient nerveuses mais n’atteignent jamais l’extase opératique de leurs modèles. Chad Stahelski a beau être venu faire le ménage en reshoot, le déséquilibre est inscrit dans l’ADN du film : trop écrit et pourtant mal écrit, trop rempli et désespérément creux.
Le film tente un lyrisme visuel, multiplie les filtres néon et les contre-plongées sur des visages statufiés, mais le tout sonne creux, comme si le vernis avait été appliqué avant la matière. Les dialogues oscillent entre l’exposition appuyée et le mutisme affecté, et chaque personnage secondaire — Huston en cheffe matriarcale, Byrne en cible éteinte, Reedus en figurant vaporeux — semble téléporté d’un autre projet. Même les caméos de Reeves ou McShane paraissent s’exc d’être là, piégés dans une parenthèse qu’ils n’ont pas demandée.
Ce qui aurait pu être une incursion audacieuse dans le féminin du chaos — une chorégraphie noire où le sang remplace la sueur — devient une série de poses. On y flirte avec la densité psychologique sans jamais y plonger. Tout est survolé : le deuil, la transformation, l’identité fracturée. Ballerina n’est ni une tragédie ni un divertissement. Elle existe dans un entre-deux, un flou volontairement stylisé où l’esthétique étouffe le souffle. À force de vouloir tout lisser, le film ne fait que glisser.
Le monde de John Wick, lui, était une partition de gestes extrêmes, d’éthique codifiée, d’absurde poétique. Ici, on hérite du costume mais pas du squelette. Le ballet tourne à vide. Un solo sans audience. Une note trop longue jouée sur un instrument désaccordé. L'univers s'étend, certes, mais c’est une extension en toc, clinquante, collée avec la sueur d’un désir de franchise plus que d’un élan de cinéma.